UN SYSTÈME GLOBALISÉ À L'ORIGINE D'UNE ARCHITECTURE GÉNÉRIQUE

Au contact des territoires périurbains français un constat s'impose : les villes, les quartiers, les maisons et les modes d'habiter tendent à se ressembler. Dans le domaine de la construction, le recours massif à des matériaux et des techniques génériques a en effet donné lieu à des formes architecturales uniformisées. Les murs de parpaing, l'enduit pastel et les silhouettes à deux pans font parti intégrante de l'imaginaire que l'on se fait des banlieues. La production de l’architecture dépend d’un paysage invisible de contraintes façonné par un faisceau de données économiques, politiques et administratives. Ce système

détermine un certain type de constructions qui nous est tous familier, un paysage de lotissements et maisons individuelles «clé en main», c’est-à-dire un bâti déterminé par une rentabilité économique et temporelle extrême. Ce système inclut bien souvent une production à bas coûts fondée sur une chaine de production requérant des matériaux à forte énergie grise et à faible savoir-faire constructif. Nous proposons un positionnement critique vis-à-vis de ces déterminants et de la ville qu’ils produisent.

DES RESSOURCES EN MATÉRIAUX DISPONIBLES


La région possède de nombreuses ressources qui sont actuellement peu exploitées. Nichée au creux d'un méandre de la Seine, la commune de Champagne-sur-Seine est surmontée de coteaux qui furent au Moyen âge le lieu de cultures viticoles prospères. Aujourd’hui la forêt a regagné du terrain et recouvre une bonne partie des versants et des plateaux. Ces plateaux accueillent aussi de grandes surfaces agricoles, aujourd’hui consacrées principalement à la production céréalière. La ville abrite également une formation géologique remarquable (diaclase et cascades de tuf) qui témoigne de la richesse des sous-sols de la région.
Nous sommes convaincus que ces ressources sont des richesses pouvant être bénéfiques au marché local de la construction. Le bois de feuillu, présent en abondance dans la forêt de Champagne, n’est utilisé que marginalement alors que certaines de ses essences ont des propriétés physiques qui en font un matériau de choix. La pierre de taille, quant à elle, est utilisée en grande majorité pour la rénovation de bâtiments historiques mais très peu dans la construction-même alors que sa mise en œuvre est simple et rapide. L’agriculture céréalière produit un volume de paille qui, à défaut d'être utilisé dans une filière d'élevage inexistante, tente de s'écouler dans divers petits marchés. Cette ressource pourrait également être valorisée dans la construction puisque c'est un excellent isolant bon marché et bio-sourcé (matériaux issus de la biomasse d’origine végétale). Enfin, la communauté de communes de Moret-Seine-et-Loing a encouragé la culture du miscanthus, un roseau aux propriétés dépolluantes remarquables et aux applications comparables à celles du chanvre. Cependant, il est actuellement uniquement utilisé comme combustible dans les chaudières industrielles, par manque de recherches concernant d'autres débouchés. Associé au développement d'une filière de recherche dans l'éco-construction, l'ensemble de ces matériaux constituent un potentiel certain pour le territoire.

CHAMPAGNE-SUR-SEINE, UN BARYCENTRE

La commune se trouve au carrefour des différents centres de récolte des matériaux préalablement évoqués. De même, le territoire est vraisemblablement porté par une dynamique favorable au développement de filières locales puisqu’il accueille déjà des initiatives innovantes en la matière. Avec 400 entreprises du bâtiment réparties sur le Sud de la Seine et Marne, le site est propice à la mise en place d'un modèle d'application des matériaux locaux dans la construction. En bord de Seine, Champagne est idéalement desservi par les différents réseaux ferrés, fluviaux et routiers et possède un héritage industriel qui en fait une commune riche en opportunités foncières. La ville, essoufflée sur le plan patrimonial, social et financier a tout le potentiel d'un terrain d’étude de projet. Il s'agit ici de voir l'initiative architecturale comme une dynamique favorable à la création d'emploi et à la stimulation économique.


UN SYSTÈME ALTERNATIF LOCAL

Les mécanismes des projets de construction sont complexes et révèlent de nombreux intermédiaires impliquant des marges donc une augmentation des coûts en comparaison à ceux d’un fonctionnement plus direct, depuis la ressource jusqu’au bâtiment construit. En imaginant utiliser les matériaux locaux, un centre d’éco-conception situé à Champagne-sur-Seine proposerait une centralisation de l’offre en matériaux ainsi qu’une mise en relation avec les entreprises de construction. Le lieu serait également ambassadeur de nouvelles pratiques en proposant des formations aux modes de construction préalablement élaborés et testés sur place. A terme, les entreprises et les artisans pourraient appliquer ces modes de construction au marché local de rénovation de bâtiment industriel, de rénovation d’habitat pavillonnaire et de construction de logements neufs.


COMMENT INTERVENIR

À la suite d'une analyse approfondie du territoire nous avons choisi de nous concentrer sur la commune de Champagne-sur-Seine pour concrétiser notre démarche. Tout d'abord, en investissant un bâtiment vacant de l'ancien site des usines Jeumont-Schneider afin d'y développer l'activité encouragent la mise en place d'un système vertueux : un éco-centre.
L'étude des lotissements de la commune nous a permis d'identifier deux terrains d'application à fort potentiel : Premièrement, le lotissement pavillonnaire dit "des ingénieurs" ou "bourgeois" construit au début du XXème siècle sur les plans de l'architecte Edmond Delaire. Ce lotissement, constitué de pavillons doubles en copropriétés de quatre appartements, soulève l'enjeu de la rénovation dans un contexte de « bâti remarquable ».
Ensuite, une opération de pavillons plus récente et  plus représentative du territoire. Le lotissement Castor construit entre 1953 et 1958 regroupe des logements en accession à la propriété privé en auto-construction. Les habitants ont donc bâti ces maisons sur les plans du service architecture et bâtiments de l'usine. Ce lotissement pose des questions différentes des pavillons d'ingénieurs. S'ils ne sont pas soumis à des contraintes patrimoniales, ils soulèvent des problématiques économiques car souvent occupés par des populations plus modestes.
Enfin, le Nord de Champagne offre un contexte favorable à la construction neuve dans la zone à urbaniser du quartier des poiriers. Cette surface de 3ha est composée de terrains en friche et de parcelles d'agriculture potagère. Elle devient alors l'occasion d'expérimenter le recours à des filières de matériaux locaux pour façonner un nouveau paysage bâti à l'échelle du logement neuf.

thèmes
carte
temporalité
dimension
programmes
connexion