Construire neuf en matériaux locaux, une démarche globale

LES POIRIERS, UN LIEU-DIT EN IMAGES

Au Nord de Champagne-sur-Seine se trouve le quartier des « Poiriers », lieu composé à la fois de petites parcelles agricoles type potagers et de pavillons. Cet endroit très paysager en lisière de forêt est à la fois en marge et bien intégré à la ville car il se situe à quelques minutes à pied de la gare. Un terrain de 3,6 hectares au sein de ce quartier a été désigné comme « zone à urbani-

-ser » par le PLU de la ville il y a quelques années, soumettant le terrain à l’arrivée éventuelle de nouveaux logements. Composé de parcelles en lanières qui témoignent du passé viticole du versant, quelques murs en pierre subsistent. Les terrains en pente, descendant vers la vallée de la Seine, sont soit laissés à l’abandon soit utilisés pour cultiver des arbres fruitiers.

Situation actuelle et imaginée

LE SCÉNARIO ZÉRO, UN LOTISSEMENT

Champagne-sur-Seine est une ville qui perd des habitants depuis les années 90, elle ne constitue donc pas un secteur potentiellement rentable pour les promoteurs immobiliers, il est donc peu probable qu’une opération de promotion groupée ne voie le jour sur ce terrain. En revanche, un aménageur-lotisseur pourrait tout à fait s’y implanter. Le terrain, acheté à très bas coût aux divers propriétaires des parcelles naturelles, serait viabilisé (installation des réseaux d’eau, électricité, gaz), puis « loti », c’est-à-dire découpé en lots à bâtir desservis par une voirie nouvelle. L’aménageur-lotisseur réalise une marge sur le prix de revente de ces terrains, prêts à bâtir, par rapport à leur valeur d’origine. Le constructeur de maison individuelle vient ensuite proposer au futur habitant un projet « clé en main », et vend ainsi le terrain accompagné d’une maison. Ces maisons sont façonnées par un fonctionnement économique le plus efficace possible. Un recours à des matériaux génériques peu coûteux et rapides de mise en œuvre est requise. C’est

ainsi que bien souvent on trouve utilisé pour la maison individuelle un montage structurel en parpaings associé à une isolation extérieure en polystyrène expansé (avec les nouvelles normes de la RT 2012), recouvert ensuite d’un enduit en façade. Une charpente en fermette vient couvrir le tout. Ce mode de production pose la question d’une perte des savoirs faires constructifs locaux, de l’énergie grise utilisée (énergie requise pour produire ces matériaux), mais aussi du peu d’efficacité thermique d’un pavillon isolé au milieu d’une parcelle. Cet urbanisme soulève l'enjeu d’économie des terrains dans un contexte d’étalement urbain et de raréfaction des zones agricoles françaises.L’image suivante met en image ce « scénario zéro », destin probable des Poiriers si aucune volonté municipale n’est affirmée. Afin de desservir chaque parcelle, des voiries supplémentaires sont créées (donc plus d’excavation et d’imperméabilisation des sols, qui entrainent des problématiques d’écoulement des eaux de pluie, et à terme des rétentions d’eau).

Pour en savoir plus sur le mode de production des maisons individuelles

Implantation des murs mitoyens selon le parcellaire existant

QUELLE ALTERNATIVE IMAGINER ?

La mairie a un droit de regard sur ce qui se construit sur sa commune. Elle a donc un pouvoir de régulation urbaine. Une stratégie alternative serait de faire de ces terrains un lotissement communal, soumis à des critères écologiques dans la construction. L’aménagement du site est guidé par un souci de préservation de la végétation existante et une volonté d’intervention minime sur les sols. En préservant le parcellaire laniéré du site hérité de son passé viticole, les maisons seraient implantées en tête de parcelle, à la fois pour minimiser l’extension des

réseaux souterrains mais aussi pourfaciliter la logistique du chantier. Sur le principe des anciens murs viticoles, des murs mitoyens en pierre de taille issue de la carrière de calcaire de Château Landon seraient édifiés entre chaque parcelle, permettant l’inscription future des maisons. Ces murs, considérés comme un investissement, seraient construits et financés par les pouvoirs publics. L’aternance de l’avancement des maisons découle d’un soucis de préservation du site naturel (préservation des arbres existants).

Voir la comparaison des deux systèmes

Coupe paysagère du projet

Quand on parle d’accession à la propriété, le prix est toujours un critère problématique. Le projet s’accompagne donc d’un mode de fonctionnement bancaire et foncier qui s’éloigne de celui traditionnellement associé à l’achat d’une maison individuelle. Les fonds propres d’un ménage constituent en effet une part minoritaire (environ 20%) dans l’achat d’une maison, le reste est permis par endettement bancaire. Aussi, on peut noter que le système bancaire actuel favorise une certaine production de l’architecture périurbaine, celle des constructeurs, puisque le Crédit à taux zéro n’est possible qu’en passant par un Contrat de Maison Individuelle (CMI) avec un constructeur, qui garantit un délais et prix fixes. Le futur habitant pourrait

donc s’installer sur un terrain sous les conditions d’un bail emphytéotique : le terrain est loué, pour une durée allant de 19 à 99 ans, au propriétaire, ici la mairie de Champagne. Toute construction effectuée sur le terrain appartient à terme au propriétaire. En échange d’un loyer annuel très bas, l’habitant évite l’endettement qui accompagne souvent l’achat d’un terrain. La construction est toutefois à sa charge. La maison se construit progressivement, permettant un échelonnage de l’investissement financier de la part du ménage. Au terme du bail, la mairie offre la possibilité d’un renouvellement ou du rachat de la construction en monnaie courante. Il faut voir l’avantage d’un tel système foncier, connu pour rendre impossible toute spéculation foncière.


Voir la comparaison des deux systèmes

La construction entre les murs mitoyens se fait ensuite en collaboration avec le centre d’éco-construction de Champagne sur Seine , dont les produits et savoir-faire sont directement utilisés. Le lotissement est régi par un cahier des charges établissant le recours à des matériaux locaux. Un architecte-conseil propose des plans. Dans un premier temps, la maison est bâtie sur une petite surface (53m2), qu’il sera possible d’étendre par la suite avec des extensions selon les besoins des habitants.

LES MATÉRIAUX À L'ORIGINE D'UNE NOUVELLE FORME D'HABITAT

Au regard du « scénario zéro » imaginé pour les Poiriers, nous comprenons que la production des caractéristiques morphologiques de l’architecture dépend d’un paysage invisible de contraintes façonné par un faisceau de données économiques, politiques et administratives. Ce système détermine un certain type de production d’architecture qui nous est tous familier, un paysage de lotissements et maisons individuelles «clé en main», c’est-à-dire un bâti déterminé par une rentabilité économique et temporelle extrême. Proposant un positionnement critique vis-à-vis de ces déterminants et de la ville qu’ils produisent, nous imaginons un nouveau système fondé sur le recours à une filière courte de matériaux de construction.Le surcoût induit par le prix de matériaux écologiques et d’une main d’œuvre qualifiée locale est rééquilibré par la réduction d’autres postes de dépenses dans ce nouveau système : un aménagement de Voirie Réseaux Divers (VRD) plus économe et une

meilleure maîtrise du coût de construction par la suppression d’intermédiaires requis par une filière longue et opaque. La maison est composée de deux murs mitoyens en pierre calcaire, érigés sur des fondations en béton cyclopéen. La pierre est un matériau à forte inertie : la mitoyenneté induit moins de déperdition thermique. Une isolation en chaux et miscanthus recouverte d’un enduit d’argile vient compléter le mur. Les pierres sont levées par une grue depuis le chemin des Samois, dans une mise en œuvre rapide (quelques jours). La maison est ensuite complétée avec des panneaux de bois/paille. Ces panneaux, produits à l’éco-centre de Champagne, sont composés de petits éléments de bois feuillus assemblés, puis isolés par des bottes de paille. La charpente devait aussi respecter la contrainte d’utilisation de petit bois : le système à la Philibert de l’Orme, constitué de petits éléments assemblés et clavetés, est entièrement démontable et manuportable.


En savoir plus sur les matériaux utilisés

Vue éclatée d'une maison type

HABITER DANS LE TEMPS, DES EXTENSIONS À ANTICIPER

Les maisons sont pensées pour être étendues selon les besoins des habitants, par des extensions en surélévation ou dans la longueur. La charpente démontable peut être remontée sur la surélévation. Ces extensions par l’ajout d’un étage ou par prolongation par patio peuvent s’effectuer en autoconstruction accompagnée, en lien avec le centre de formation de l’éco-centre. Elles sont également réalisables en milieu habité. Parce qu'il est notre cadre bâti quotidien, l'habitat est un enjeu qui doit s'appréhender sur le long terme. Le recours à des matériaux écologiques et à un mode constructif durable est donc essentiel dans la démarche du projet.

maison B en rez-de-chaussée maison B étage maison A en rez-de-chaussée maison A extension maison B en rez-de-chaussée maison B extension maison A en rez-de-chaussée maison A étage fin

Montage progressif du projet

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